L'Interprète : un artisan
De manière générale, un interprète est un acteur qui effectue un travail d'interprétation, c'est-à-dire qui analyse et comprend des informations qu'il reçoit, pour les restituer sous une autre forme, une autre langue. On retrouve ce mot avec un sens spécialisé dans plusieurs domaines :
·
En linguistique, un interprète est une personne qui
traduit un discours oral en direct ;
·
En informatique, un interprète, ou interpréteur, est un outil qui
analyse, traduit et exécute un programme écrit dans un langage de programmation ;
·
En musique, un interprète est un musicien qui réalise un projet
planifié par un compositeur ;
·
En cinématographie, l’interprète
est synonyme d'acteur
(c'est aussi le cas pour le théâtre) ;
L'interprète est un film américain de Sydney
Pollack, sorti en 2005. (Wikipédia, 2007)
L’interprétation permet à des personnes ne parlant pas la
même langue de communiquer. Cette
activité s’exerce de différentes manières selon le contexte de
l’échange :
·
Interprétation de conférence, dans un tribunal, de liaison,
sociale, etc.
Est une activité professionnelle qui
consiste à réxprimer fidèlement ce qui est dit en une langue dans une autre en
tenant compte des personnes qui reçoivent le message.
Certains confondent souvent traduction (écrite) et
interprétation (orale). Ces deux
activités sont très proches car elles impliquent compréhension de la langue et
de sa signification sous-jacente, nécessitant dans les deux cas de ne pas
limiter le texte (oral ou écrit) à son sens littéral, mais de conserver fidèlement les
sens cachés. Traduction écrite et interprétation orale divergent cependant
quant à leur méthode. La traduction
consiste à transférer des idées exprimées par écrit d’une langue dans l’autre. À la différence des traducteurs, les
interprètes travaillent sur des messages fugitifs qu'ils doivent restituer
quasi instantanément, avec peu de temps pour la réflexion et la recherche de
style.
Comme un artisan de la liberté – de parole – l’interprète
écoute et transmet, dans une situation de tension et de souplesse, car écouter
des récits – de demandeurs d’asile, par exemple – demande un énorme détachement
dans une situation de transfert qui s’installe.
La
position d’être assis à côté et non face à face établit des contradictions,
contraintes, que facilitent et difficultent l’écoute, à savoir :
-
Être pris par la parole plus que par langage
du corps – et les possibles souffrances qu’y sont ;
-
Et être libre dans le cadre du
contre-transfert nécessaire à une écoute clinique – un penchement sur un cas.
L’interprète
est un artisan d’un univers parallèle.
Avant tout, l’interprète est dedans et à l’écart, singulier et pluriel,
dans une situation de transmission à trois ou à plusieurs.
Se
taire pour parler, parler pour se taire, selon Lacan est une des places du
psychanalyste et une des places de l’interprète aussi car la transmission
humanitaire se fait présent des deux cas …des situations différentes et avec
des similitudes : dialectique.
Mais
de que parle et qu’écoute l’interprète ?
-
on peut donner comme réponse : des
mots…rien que des mots…
Des
mots sont comme la vie, la dialectique et la vie dans une sens pleine !
Des
mots pour dire acculturation comme mode d’inscription dans un monde sans
souffrance ou avec moins de souffrance possible...
Le
rôle de l’Interprétariat est comparable à la Psychiatrie transculturelle, donc « ouvert
sur le monde de la clinique, celui de la psychiatrie, celui de la psychologie,
celui de la pratique en situation d’expatriation, et bien sûr, celui des
sciences humaines » et la transmission de la parole faite dans
l’interprétariat « contient forcément le reflet des débats qui traversent
ces mondes » (Moro, 2006)
L'interprète
recherche la fidélité dès que possible des interventions dans les différentes
langues, avec souplesse, capacité d'analyse et d'une approfondie connaissance des
langues concernées. Car dans tout
discours, une grande partie du message demeure implicite.
« L’interprète
doit compléter le puzzle en s'appuyant sur une solide culture générale et en
insérant çà et là les pièces spécifiques du sujet abordé. Plus importante encore est la capacité à
saisir l'intention de l'orateur au-delà des simples mots. Dans un environnement
multilingue, cela exige une connaissance intime non seulement des langues, mais
des cultures représentées ainsi que de leurs différences. Dans une réunion
multilingue, les interprètes œuvrent ainsi pour qu’elle se déroule comme si
chacun parlait la même langue. » (Wikipédia, 2007)
Même si elle s'exerce dans des conditions normales, la
tâche de l'interprète est exigeante et ardue.
Selon Claude Piron, ancien
traducteur à l’OMS, raconte dans Le Défi des langues : quand dans
une réunion internationale un délégué asiatique s'exprime en anglais, on entend
de petits cliquetis qui indiquent que les délégués anglophones se branchent sur
l'interprétation française, espérant comprendre ainsi quelque chose, la
prononciation de l'orateur le rendant inintelligible. En fait, constate Claude
Piron, ils prêtent à l'orateur des capacités surhumaines car il arrive que
celui-ci ne comprenne pas mieux, si bien qu'il en est réduit à imaginer plus ou
moins ce que raconte celui qu'il doit interpréter.
« La tâche de l'interprète est en outre rendue
encore plus difficile par les problèmes techniques comme les microphones
accrochés autour du cou de l'orateur et qui viennent frapper son épingle de
cravate, le micro ouvert posé sur la table à côté du ventilateur d'un
projecteur, les coups portés par l'orateur sur le micro de table pour appuyer
ses dires ou le frottement de papiers devant le micro, etc. La liste est sans fin ».
L’interprète, « natif d’un autre pays, a una
position clef dans le dispositif : il matérialise le passage d’un code
culturel à un autre et peut constituer pour certains patients, et plus
spécifiquement pour les enfants, une figure identificatoire précieuse. Via l’interprète, « est proposée
tacitement l’idée que la situation d’immigration nécessite qu’on se souvienne
d’où l’on vient et qui l’on est pour assurer harmonieusement ces passages et
s’inscrire dans ce nouveau monde.
L’interprète n’a pas oublié sa première langue, il en apprit une seconde
et c’est sans doute pour cela qu’il peut manier les logiques d’ici d’autant
plus habilement… » (Réal, Moro, 2006)
A la Croix Rouge l'interprétation était simultanée,
l'interprète, installé dans même salle que le demandeur d’asile et/ou leur
famille, où la situation face à face se passait sans aucun équipement - console
avec microphone ou écouteurs -, suit l'énoncé du discours l’interprétation se
faisait au fur et à mesure de l'intervention.
« Certaines combinaisons linguistiques sont plus difficiles à
traduire que d'autres. Par exemple, de
l'allemand vers le français, car l'information essentielle pour commencer une
phrase ne vient souvent qu'à la fin (verbe, négation etc.) Ce qui fait qu'il
faut parler avec une phrase entière de décalage par rapport à l'original, ce
qui n'est pas obligatoirement le cas entre deux langues romanes » ou
latines comme le portugais et le français.
Du fait de l'intense niveau de concentration requis, les interprètes
travaillent les 20-30 minutes maximum.
L’interprétariat sert comme pont pour aider au demandeur à
« s’inscrire dans le monde d’ici, en s’appuyant sur le monde d’origine de
ses parentes, aboutit un brassage dynamique, des femmes et des hommes, des
pensées, des devenirs » qu’ensemble forment le processus d’humanisation
par la parole. Ce processus se situe
entre la mémoire et le désir, comparable à la clinique transculturelle de
l’enfant et de l’adolescent – « mémoire parfois conflictuelle, parfois traduite
en actes de fondation et toujours désir de commencement ou de recommencement ».
L’interprétariat sert à analyser les liens entre
psychopathologie, cultures et migrations avec l'aide d’autres disciplines comme
l'anthropologie, la linguistique, la clinique, la médecine de santé publique,
les sciences de l'éducation, la philosophie, les recherches en psychiatrie et
en sciences humaines. Ceci permettra une
réflexion sur la construction de ce nouveau champ clinique : objets de la psychiatrie transculturelle,
perspectives et limites. En définissant
les grands courants de la psychiatrie transculturelle : ethnopsychiatrie, ethnopsychanalyse,
psychologie interculturelle...
L’interprétariat forme une dimension de la clinique
transculturelle pour analyser les interventions auprès des familles migrantes et
de leurs enfants en permettant ainsi une adaptation de nos stratégies de
prévention et de soins en situation de migration (pour les bébés, les enfants,
les adolescents, fils de migrants, et les adultes migrants).
D'autres
cliniques transculturelles ont comme base l’interprétariat tel que le travail
psychiatrique et psychologique en situation de traumas extrêmes, de
catastrophes, de guerres ... Et l'ensemble des situations où interviennent les
organisations humanitaires et les personnes de la Croix Rouge Française, par
exemple.
Mon
expérience comme travailleur social était en articulation avec médecins,
psychiatries, des professions de santé (infirmières, sages-femmes…) et
médico-sociales (éducateurs, formateurs, psychologues…), de plusieurs niveaux
de qualification et expérience professionnelle.
Cette expérience professionnelle avec les migrants ou en situation
transculturelle était d’extrême importance pour une formation à la clinique
transculturelle, à l'application de la clinique transculturelle au champ
social, éducatif, scolaire et judiciaire.
Certains
principes doivent être considérés dans le cadre de l’interprétariat, par
exemple :
·
Apprécier le degré d’autonomie du
consultant et son consentement à la présence d’un tiers – l’interprète ;
·
Expliquer
à l’accompagnant que son rôle est de permettre la communication entre
l’intervenant et la personne (cf. Infra) :
interpréter tout ce qui se dit et seulement ce qui se dit ;
·
Faire des
pauses régulières pour s’assurer de la bonne compréhension de
l’entretien ;
·
Avant l’entretien, il peut être utile
d’expliquer à l’interprète les objectifs de l’intervention ;
·
Choisir
une disposition en triangle, pour que chacun garde le contact avec
chacun ;
·
Présenter
l’interprète au consultant ;
·
S’adresser
au consultant, et non seulement à l’interprète (importance du langage du
corps) ;
·
Rester
patient, la traduction peut nécessiter des détours ;
·
Employer
des phrases courtes et simples pour faciliter le déroulement de la
traduction ;
·
Il est inutile de parler
plus fort que d’habitude.
Le sujet de l’interprétariat :
« Les exilés ont appris à se taire en deux langues",
Edmundo Gomez-Mango (2006). Car, selon Tobie
Nathan toute migration est traumatique parce qu’elle rompt l’homologie entre le
cadre culturel externe et le cadre culturel interne intériorisé (1986).
En effet, tout migrant est un métis dans la mesure où son
voyage l’a conduit dans autre monde qui aura une action sur lui comme lui
d’ailleurs une action sur ce monde (Moro, 2006)
L’outil primordial pour l’écoute est l’ethnopsychanalyse,
c'est-à-dire l’utilisation non simultanée de l’anthropologie et de la
psychanalyse (Devereux, 1985). Elle
postule donc l’universalité du psychisme et de l’inconscient et la réalité do
transfert. Elle s’appuie sur une
psychanalyse qui s’intéresse tout particulièrement sur les liens entre le sujet
et ses appartenances, filiations et affiliations. L’anthropologie clinique met son savoir au
service de situations de soin …la culture étant sous-entendue comme une réalité
objective qui conditionnerait le comportement humain. La pratique ethnopsychanalitique s’appuie sur
une anthropologie qui reconstruit un contexte social de souffrance, décode des représentations
spécifiques de la maladie et du désordre, analyse des systèmes d’alliance, des
rapports humains…, et conçoit la culture comme ensemble riche, cohérent et
dynamique de représentations, de récits, métaphores et de symboles qui aident
les patients à penser l’expérience qu’ils vivent puis leur donne les moyens de
la modifier (Moro, 2006 ; Mestre, 1999)
De façon plus générale, cet outil est précieux dans la
compréhension et l’aide de populations touchées pour le malheur et l’exclusion,
telles que les enfants des rues de grandes métropoles (Mestre et Lkhadir,
2002).
Car la réflexion et les soins ethnopsychiatries se
situent justement au sein de ces problématiques : prise en compte dans la clinique de
l’altérité, du statut de la culture et de la langue (Moro, 2006).
Dans De l’angoisse à la méthode (1985), Devereux
suggère de reconsidérer la question des rapports entre observateur et observé
dans les « sciences du comportement » (sciences humaines, zoologie,…) en s’inspirant du modèle de la cure psychanalytique.
L’auteur y soutient la thèse suivante :
-
Le principe méthodologique classique qui commande au chercheur de tout mettre en œuvre pour
considérer ce qu’il observe d’un point de vue strictement objectif est non
seulement vain, mais surtout contreproductif.
-
Selon Devereux, l’observateur doit se replacer au cœur du
processus et considérer qu’il n’observe jamais que des réactions à ses propres
observations, qu’il n’y a pas de données indépendantes de son travail d’observation.
Plus précisément, les seules « données » dont dispose le chercheur sont constituées par ses propres
réactions – « et c’est cela que je perçois » - aux réactions qu’il
suscite. Pour Devereux, l’observateur
doit penser sa relation à l’observer de la même manière que le psychanalyste aborde la relation à son patient. L’analyste ne travaille que sur les réactions
de transfert dont il fait l’objet et sur ses
propres réactions de contre-transfert. Ce sont là les seules données pertinentes. Il doit en être de même, assure Devereux,
dans toute démarche d’enquête portant sur des humains (ou des animaux). La « subjectivité » du chercheur, au lieu d’être
considérée comme une source d’erreur, doit donc être envisagée comme une
ressource, la seule ressource même, dont dispose celui qui entretient le projet
de comprendre une activité humaine quelconque.
« Par bonheur, ce qu’on appelle les « perturbations »
dues à l’existence de l’observateur, lorsqu’elles sont correctement exploitées,
sont les pierres angulaires d’une science du comportement authentiquement
scientifique et non – comme on le croit couramment – un fâcheux contretemps
dont la meilleure façon de se débarrasser est de l’escamoter » (1980,
p. 30).
Selon
le dictionnaire virtuel Wikipédia, l'ethnopsychiatrie est un domaine de
recherche partageant objets et méthodes tant avec la psychologie clinique qu'avec l'anthropologie. L'ethnopsychiatrie
s'est intéressée aux désordres psychologiques en rapport à leur contexte
culturel d'une part, aux systèmes culturels d'interprétation et de traitement
du mal, du malheur et de la maladie d'autre part. Cette discipline a connu une extension dans
les vingt dernières années, engendrant des dispositifs originaux de prise en
charge des souffrances psychologiques des populations migrantes.
Georges Devereux
est considéré comme le fondateur de la discipline. Il appelait ethnopsychiatrie le domaine de
recherche et ethnopsychanalyse
la méthodologie afférente. Il a toujours
affirmé que la culture prescrivait à ses membres "la bonne façon d'être
fous". C'est comme si la société
énonçait : vous ne devez pas être
fou, mais si toutefois vous le devenez, voici la bonne manière de l'être…
Marqué par la décolonisation,
« l'ethnopsychiatrie » comme bien d’autres disciplines à préfixe
« ethno » (ethnobotanique, ethnomathématiques) admet comme prémisses
que des peuples n'ayant pas de tradition écrite possèdent tout de même des
savoirs. Malgré leur caractère populaire, ces ethnosciences, constituent de
vrais savoirs qui, en tant que tels, concernent l'humanité entière.
« Ethnopsychiatrie » implique par conséquent que ce que nous nommons
« psychiatrie » possède son équivalent dans chaque culture humaine.
C’est ainsi que Devereux a pu écrire qu'il n'existait pas de peuple sans
« ethnopsychiatrie » — c'est-à-dire de peuple qui ne possède un
système de repérage et de prise en charge.
L'intérêt de l'ethnopsychiatrie pour les systèmes thérapeutiques des
autres mondes l'a conduite à développer des analyses fines de types
d'intelligibilité ou de causalité populaires tels que : l’infraction d'un tabou, l'envoûtement,
l'action des génies, des esprits des morts et bien d'autres entités.
L'un des premiers praticiens à s'être penché sur ce type
de phénomènes est l'anthropologue et psychanalyste hongrois Géza Róheim.
En France, l'histoire de l'ethnopsychiatrie est
indissociablement liée à deux noms, celui de l'anthropologue et psychanalyste Georges Devereux, précurseur de
l'ethnopsychiatrie contemporaine, et celui de son disciple, Tobie Nathan, qui a entièrement renouvelé le
champ (trans-)disciplinaire de l'ethnopsychiatrie…c'est surtout comme
l'inventeur d'un dispositif clinique exceptionnel (Bobigny 1979), destiné à la
prise en charge des patients migrants, que Tobie Nathan est connu. La consultation
d'ethnopsychiatrie, réunissant un groupe de professionnels polyglotte
autour d'une famille, a été reprise sous diverses formes par toutes les autres
tentatives de clinique ethnopsychiatrique.
Aujourd'hui, dans un monde globalisé, aux migrations
multiples et répétées, l'ethnopsychiatrie souligne l'importance d'autres
identités telles les groupes d'usagers (Mediagora — groupes de patients
souffrant de phobie —, Autisme France — parents d'enfants atteints d'autisme
infantile —, AFTOC — Association de patients souffrant de Troubles obsessifs et
compulsifs — etc.) Les thérapeutes
devraient collaborer davantage avec ces associations qui pourraient leur
permettre d'affiner leurs méthodes et de les évaluer.
Marie Rose Moro a appris la psychiatrie du jeune enfant
auprès de Serge Lebovici, et
les principes de l'ethnopsychiatrie
avec Tobie Nathan.
Ses recherches l'ont menée à théoriser la vulnérabilité et les besoins
spécifiques de l'enfant de migrant. Cela
est passé par la création d'une unité de soin transculturelle destinée aux
familles migrantes en 1987, c'était alors le premier dispositif de la sorte. Dans ces dispositifs, la culture des
patients, celle des thérapeutes et la différence culturelle sont utilisées pour
soigner, comme levier thérapeutique. Ses
travaux concernent les forces et vulnérabilités des enfants de migrants, les
dispositifs thérapeutiques, les métissages, le bilinguisme, le traumatisme psychique,
etc. Elle a publié un grand nombre
d'articles scientifiques et d'ouvrages.
(Wikipédia, 2007)
Selon le Manuel de psychiatrie transculturelle, en
réalité la question éthique de l’ethnopsychanalyse s’inscrit dans un plus vaste
débat, de nature philosophique. Son
intensité vient très largement du fait de la solidarité des soins et de la
culture, une situation qui remonte loin dans l’histoire de la psychiatrie (Moro
et Giraud, 2000). Ceci entraîne la
présence des informateurs d’un savoir caché, médiateurs ou interprètes, permettant
le passage de la langue à la langue, de pensée à pensée, de monde à monde. Il s’agit de vécus intimes et composites qui
empruntent souvent à la psychanalyse, parmi d’autres disciplines, de sujets à
travailler...car « l’histoire des exilés est jalonnée de conflits et de
ruptures multiples, qui s’expriment sur un fond commun, un traumatisme à part
entière : l’exil. L’exil est une expérience bouleversante qui
résulte d’une double violence, politique et économique. Or, dans un contexte de profonde crise du
droit d’asile, les conséquences sociales, psychologiques, administratives et
juridiques de l’exil débordent de plus en plus souvent le seul cadre des
demandeurs d’asile et des réfugiés théoriquement protégés par la Convention de Genève. (Guide Comede, 2006)
Nous trouvons parmi les éléments le
départ que n’est pas librement choisi, il est imposé ! Un départ sans adieux,
un éloignement non ritualisé.
Le refuge, la honte et le
déshonneur. C’est la conséquence directe
et paradoxale de l’exil :
l’humiliation d’être expulsé de sa patrie, d’avoir perdu sa protection,
survient avec le soulagement d’avoir sauvé sa vie, d’en avoir fini avec les
persécutions. En sollicitant l’asile,
l’exilé consomme la rupture avec sa patrie.
Pour certains, le refus de se reconnaître abandonné par le père - la
patrie - est si fort qu’il pousse à s’installer dans une position de
victime. Être persécuté, c’est encore
exister aux yeux de l’autre, ce peut être préférable à l’indifférence. (Comede)
Le deuil du monde maternel, deuil de la terre-mère. Un deuil multiple. Un deuil long et
complexe. Un deuil à faire dans l’indignation et la
rébellion. Le deuil est souvent
associé à la souffrance mais il est aussi considéré comme un processus
nécessaire de délivrance, nommée résilience.
Lorsqu'un événement provoque une crise dans la vie d'un individu, un
changement radical est opéré dans la situation établie jusqu'alors.
Ce contexte amène à la perte d’identité - la
reconnaissance de ce que l'on est, par soi-même ou par les autres. En psychanalyse, on peut parler de représentation du soi,
et donc du moi. Et
culpabilité - le terme culpabilité s'emploie dans trois domaines :
·
En droit, la culpabilité est une composante du verdict
concluant le jugement d'un
fait délictueux.
·
En psychologie ou psychanalyse, la culpabilité est un sentiment qui
porte à se considérer responsable d'un événement ou état de fait fâcheux.
·
En religion, le mot culpabilité fait
référence à la peur ou la honte de commettre un péché.
L’exil est une perte de l’identité familiale, sociale,
professionnelle et des repères culturels et affectifs.
L’exaltation de l’exil perpétue la
fuite originelle – le mythe du paradis perdu.
Les personnes qui ont vécu cette expérience se sentant menacé par le
regard des autres, l’exilé s’accroche à son masque, son statut... S’interprétation. Le mélange de désir et de peur de communiquer
affecte l’apprentissage de la nouvelle langue, bloque ses pensées et
sentiments. Néanmoins, le corps parle et
souffre.
La culpabilité et le châtiment de
soi sont un risque permanent. L’allégresse
d’être vivant peut se transformer en culpabilité d’avoir sauvé sa vie, d’avoir
abandonné des proches restés au pays, parfois tués sous ses yeux. (Comede)
Clinique
En fait, le travail avec les familles migrants et/ou migrants en individuel nous demande deux paramètres pour établir ‘un cadre contenant et pertinent :
-
L’appartenance
culturelle de la famille…qui reste en partie efficient malgré
l’acculturation ;
-
Le voyage
migratoire qui est parfois traumatique pour la famille et qui, dans tous les
cas, constitue un événement signifiant pour la génération qui le vivra, voire
pour les générations suivantes qui naîtront en France.
Il s’agit donc de construire une
éthique et une pratique ethnopsychanalytique ouverte et métissée (Moro, 1994). La prise en compte des représentations
culturelles est un préliminaire à une démarche d’insight qui en revient
toujours à réfléchir sur le drame commun à toutes vies humaines…c’est le
maximum de singularité qui est aussi le maximum d’universalité.
Par ailleurs, selon Freud,
écrivait-il en 1916, faisons donc nôtre le préjugé des anciens et du peuple et
engageons-nous sur les traces des interprètes des songes de jadis. Et en 1923, il soutenait que les démonologues
eux-mêmes détiennent un équivalent imaginaire d’un savoir sur
l’inconscient. Freud n’agit pas comme un
obscurantiste qui renierait la science, mais il les intègre dans une démarche
scientifique et un rationalisme élargi, qui prend en compte précisément les
limites des savoirs psychiatriques antérieurs.
Mais chez Freud, ne s’agit pas d’une
effective exaltation d’une différence pour justifier une discrimination. Il s’agit d’un encadrement de la clinique
psychanalytique pour ne pas oublier » la souffrance et toutes les formes singulières
qu’elle peut prendre, ce qui appelle précisément une complexification des
pratiques » (Giraud, 2006). Par
conséquent, une exigence éthique… » Celle qu’impose l’écoute attentive du
discours de patient traversés par un conflit qui est au cœur de leur expérience,
et met à nu ce qui chez tout humain oppose l’universel et le particulier, la
multitude des appartenances.
Néanmoins, remarque Freud que la
psychanalyse est réservée aux gens « normaux », dotés d’un moi assez
fort pour supporter les frustrations, la longueur et la difficulté du
traitement » (Giraud, 2006). Et, qu’au-delà
d’un certain âge les sujets ne dispos plus de la « plasticité »
psychique nécessaire, ou « le degré suffisant d’éducation » ou encore
la situation sociale, non seulement pour des raisons économiques, Freud
considérant sans difficulté l’éventualité de cures gratuites. Il ne s’agit plus donc de psychopathologie
mais de critères biologiques, culturel ou sociaux. Plus loin, Freud continue : tout porte aussi à croire que, vu
l’application massive de notre thérapie, nous serons obligés de mêler à l’or
pur de l’analyse une quantité considérable du plomb de la suggestion
directe. Parfois même, nous devrons,
comme dans le traitement des névroses de guerre, faire usage de l’influence
hypnotique – psychothérapie populaire » (Giraud, 2006) …d’où vient
l’appartenance de l’ethnopsychanalyse.
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